mercredi 14 décembre 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre André ANTOINE sur "Avenir du football en Communauté française après le vote de la FIFA"

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Monsieur le ministre, à l’issue du vote intervention à Zurich le 2 décembre dernier, vous avez déclaré : « c’est la victoire de la géopolitique et de l’argent. » En même temps vous avez ajouté souhaiter qu’une dynamique se développe en Communauté française
autour du football. Avec quelques jours de recul, maintenez-vous votre sentiment ? Pensez-vous encore que tout a été fait pour arriver à obtenir l’organisation mais que d’autres valeurs que celles généralement revendiquées dans le sport ont présidé à cette décision? Mais oublions le passé et tournons-nous vers l’avenir. Comment faire en sorte que cet échec ne constitue pas un frein mais un tremplin pour redynamiser un football belge qui va inévitablement connaître des changements à cause de la communautarisation ? Quels seront les prochains défis à relever ? Y aura-t-il des modifications structurelles dans l’administration ? Par ailleurs, un groupe d’experts serait chargé d’établir un rapport sur la situation du football en Wallonie et en Communauté française. Quand sera-t-il désigné ? Quelle sera sa composition ? Dans quel délai devra-t-il remettre son rapport ?

M. Pierre Migisha
(cdH). – Monsieur le ministre, nous savons que la Belgique et les Pays-Bas n’organiseront pas la coupe du monde de football en 2018. Le comité exécutif de la Fifa a choisi la
Russie dans des conditions qui suscitent de nombreuses interrogations que je n’aborderai pas ici. L’organisation de la Coupe du monde aurait inévitablement eu des retombées positives pour la promotion du sport en Communauté française. J’aimerais aujourd’hui voir avec vous comment envisager une telle promotion sans l’organisation de cette coupe du monde. Monsieur le ministre, quels enseignements tirez-vous de l’échec de notre candidature ? L’organisation de cette coupe aurait certainement généré de l’engouement pour la pratique sportive en Communauté française. Dès lors, quelles initiatives de promotion du sport, imaginées dans le cadre de l’organisation de cette coupe, pourraient-ellesêtre malgré tout intégrées à la politique de la Communauté française ? Envisagez-vous des actions alternatives pour la promotion du sport et, plus particulièrement, du football, sachant la future communautarisation de celui-ci ? À plus long terme, vous souhaitiez disposer d’un rapport complet sur le football francophone afin de clarifier de quelle manière réaliser cette communautarisation et envisager le développement du football.

M. Philippe Dodrimont (MR). – Pour ma part, j’insisterai sur le fait que pratiquement aucun stade belge n’est conforme aux réglementations, notamment pour la sécurité. Beaucoup de procèsverbaux ont été rédigés à ce sujet. Des amendes pendent parfois, telles l’épée de Damoclès, audessus de la tête des dirigeants de clubs. Il faut prendre des décisions. Certains, dont le Standard de Liège, attendaient sans doute la décision de la Fifa avant de choisir dans quelle direction avancer. D’après les dirigeants de ce club, une réunion devrait se tenir ce jeudi 16 décembre entre les parties intéressées à financer l’agrandissement du stade. Monsieur le ministre, assisterez-vous à cette réunion ou y serez-vous représenté ? Quelle aide la Communauté française pourrait-elle accorder ? Ce dossier va probablement passer du secteur public au secteur privé. Leurs vues semblent divergentes et le fait de ne pas organiser la coupe du monde change peut-être la donne. Un autre point problématique concerne les sites d’entraînement. Y a-t-il des projets d’amélioration de ce type d’infrastructure, à côté des stades qui accueillent les compétitions ? Il serait intéressant de faire le point sur ce dossier, à l’heure où la Communauté française se prépare à accueillir la fédération.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Toutes ces questions concernent la Région wallonne et la Communauté française puisqu’elles portent sur
l’infrastructure et la politique sportive. Ne m’en veuillez donc pas, monsieur le président, si je franchis parfois le Rubicon. Je sais que certains n’apprécieront pas mais, si je ne le faisais pas, ma
réponse ne serait pas complète. Je me réjouis de la prise de position de MM. Crucke, Dodrimont et Migisha, que je connaissais déjà ; leur attitude tranche quelque peu avec celle de Mme Cornet qui considérait, notamment dans le débat sur l’emploi, que l’on investissait trop dans le sport au détriment d’autres domaines. Chacun apprécie à l’aune de ses préoccupations. Oui, nous sommes déçus par le choix de la Fifa, moins parce que nous ne sommes pas retenus qu’en raison du fait que la décision finale ne remplit pas les critères fixés préalablement. Ainsi, la Russie ne méritait pas de cotation positive ni sur le critère écologique – c’était un des paramètres essentiels –, ni sur celui de la mobilité et du transport, ni pour la disponibilité des stades. Or la Russie a été retenue...
Le Qatar est un pays extrêmement important, on le sait, mais comme le disait Beckenbauer, « on devra probablement jouer en janvier, si l’on veut une température supportable pour les joueurs ». Tout cela – et qui suis-je pour le dire – laisse tout de même un sentiment d’amertume et l’impression que les dés étaient pipés. En effet, notre préparation basée sur le respect du cahier des charges ne nous a pas servis. Pour répondre à une question fréquemment posée, la Communauté française a engagé 600 000 euros. Cette somme faisait partie du budget de 10 millions d’euros élaboré par la fondation commune Pays-Bas et Belgique. Sur ces 10 millions, 2835 000 étaient à charge de notre pays. C’est pour cette somme que nous avons réservés les 600 000 euros. LaWallonie n’a rien payé puisqu’il appartient à la Communauté française d’assumer la politique sportive. Je voudrais saluer l’engagement total de Alain Courtois dans ce dossier. Il a accompli un travail remarquable, de même que les premiers ministres successifs, MM. Leterme et Van Rompuy. Rarement une cause aura été aussi bien défendue. Pardelà la frontière linguistique et le clivage entre majorité et opposition, nous avons connu une véritable union nationale, qui nous fait tellement défaut actuellement. Pour ce qui est de l’intervention des uns et des autres, monsieur Migisha, vous aurez remarqué que la Communauté française a eu sa part de remerciements puisque nous avons correctement rempli notre rôle, en dégageant les moyens et en créant des contacts, notamment à travers la francophonie, pour soutenir notre candidature. Se pose toutefois la question des stades. Comme je l’ai souvent indiqué, le fait que nous organisions ou non le Mondial ne change rien à la nécessité de prévoir des stades, au moins deux. À Charleroi, il n’y a plus de permis. Le dernier que j’ai délivré a été invalidé par le Conseil d’État. De plus, une série d’actions engagées par les riverains devant plusieurs tribunaux civils visent à obtenir une astreinte en cas d’utilisation future du Stade du pays de Charleroi. Toutes ces actions s’exercent à des niveaux différents, mais si des décisions devaient tomber, nous risquerions de connaître des situations particulièrement fâcheuses. Il faut donc reconstruire ce stade. Quant au stade du Standard à Sclessin, nous devons assurer sa mise en conformité avec les normes UEFA et trouver une solution aux difficultés de parking. Il faudra également améliorer la capacité de ce stade, sachant que le Mondial a modifié la donne. Il ne s’agit plus en effet de construire deux stades de quarante mille personnes. À Charleroi, avec un stade qui en accueille moins de la moitié, on devrait pouvoir faire correctement face aux besoins du club. Pour le Standard il s’agit d’une tout autre capacité d’accueil. Finalement, nous nous rapprocherons du dispositif prévu pour le Mondial. Pour ce faire, le 19 décembre 2009, le gouvernement a dégagé deux fois dix millions d’euros qui constituent une première tranche de subventions. Je rappelle que, du côté flamand, il était question d’un prêt et non d’une subvention. Nous sommes évidemment attentifs à l’évolution de ces dossiers. Nous sommes disposés, le cas échéant, à dégager des enveloppes complémentaires, mais les pouvoirs locaux, qu’il s’agisse de villes, d’agglomérations, de communautés de communes, de provinces ou d’intercommunales, et le club luimême devront également intervenir. Les clubs devront marquer leur accord de seengager à intervenir financièrement et, pour Charleroi, de jouer dans ce stade. Ce n’est pas le cas actuellement puisque M. Bayat s’est plaint de ne pas avoir été associé au projet d’aménagement du stade de la Ville de Charleroi. La Communauté française interviendra très clairement. Pour cette décennie, la Région wallonne a engagé en fin de compte cent vingt millions d’euros. En effet, outre les deux clubs phares, il faut aussi veiller aux besoins des clubs de D1, de D2, de divisions provinciales ou de promotion. La somme est à ce point importante que nos amis flamands se sont plaints de concurrence déloyale. Je rappelle que le football n’étant pas communautarisé du côté néerlandophone, le gouvernement flamand ne peut intervenir. Nous nous montrerons disponibles, je le répète, et nous participerons à toutes les réunions de concertation à l’invitation des clubs, des villes ou des intercommunales. L’essentiel est que nous progressions rapidement afin de doter ces deux villes des installations dont elles ont besoin. En vue de la communautarisation du football au 1er janvier, nous créons actuellement une fédération francophone, à savoir l’Association des clubs francophones de football. Quelques changements seront opérés car le président a récemment démissionné. J’ai demandé à un groupe de spécialistes du football, notamment de la formation, qu’il définisse une méthode de travail. J’en aurai connaissance la semaine prochaine. Lorsqu’elle aura été approuvée, nous révélerons les noms des personnes concernées. Leur mission devrait débuter le 1er janvier 2011 pour une durée de six mois. L’objectif sera de rencontrer l’ensemble des clubs, des provinciales à la division 1, d’entendre les dirigeants, de dresser un plan de formations et de débattre d’autres questions avec les clubs, comme la loi « football » pour la division 2, les volets fiscaux et sociaux, les infrastructures, l’emploi optimal des pelouses synthétiques, qui pourraient le cas échéant être partagées.
Ce travail devra alimenter, en concertation avec la Fédération francophone et l’Union belge de football, la politique que nous souhaitons mener, sachant qu’environ 2,5 millions d’euros supplémentaires sont affectés au football en Communauté française. Cette démarche nous permettra aussi d’insister sur la formation des jeunes et des formateurs dans les provinces. L’attente est grande dans ce domaine, car la communautarisation du football est vécue comme une chance et non comme une fatalité. Beaucoup espèrent, à travers cette fédération et les moyens supplémentaires qui ont été dégagés, améliorer l’environnement footballistique, surtout celui des plus jeunes. Ainsi, nous pourrions soutenir et agréer des écoles de football. Nous en comptons déjà
quelques-unes qui sont remarquables : l’Académie Robert Louis-Dreyfus à Liège, le complexe de Marcinelle, le Futurosport de Mouscron, le Centre national Euro 2000 à Tubize, le Cref de Blegny, etc. Avec la fédération, je souhaiterais soutenir ces installations comme centres de référence, sachant que nous ne pourrons pas les multiplier à l’infini. Nous voulons donc investir dans la formation. L’Académie des administrateurs de clubs permettra à ceux-ci de mieux se préparer et de mieux connaître les législations communautaires et fédérales, notamment sur l’application de la TVA, le statut des bénévoles ou les transferts. Un service d’appui sera créé pour répondre aux questions pointues portant sur la fiscalité, les aspects sociaux ou les cadres légaux. Nous souhaitons donc améliorer la gestion de nos clubs, au-delà de la formation des jeunes et des formateurs. Une formation destinée aux entraîneurs a d’ailleurs été inscrite au budget, ce qui n’était plus arrivé depuis une vingtaine d’années. Après la déception née de la non-organisation de la Coupe du monde et avec la communautarisation du football, le moment est venu de réagir. Nous avons besoin de stades et de formations, d’autant plus que le football francophone connaît un renouveau indiscutable, même si nos clubs rencontrent parfois quelques difficultés. Songeons aux nombreux joueurs francophones qui évoluent au plus haut niveau. Nous pourrions presque créer une équipe nationale francophone ! Citons Axel Witsel au Standard, David Hubert à Genk, Lukaku à Anderlecht, Jérémy Serwy à Charleroi, Christian Benteke à Malines, Eden Hazard en France, Kevin Mirallas en Grèce, sans oublier Vincent Kompany ou Legear. Le football, comme les autres disciplines, a besoin de références, de véritables vedettes qui suscitent l’enthousiasme et fassent des adeptes. Lukaku a reçu le prix du Mérite sportif de la Communauté française comme meilleur jeune espoir. À son âge il figure déjà dans le onze de base de l’équipe Europe et c’est pour lui une véritable consécration. Nous devons profiter de cette génération pour susciter des vocations dans son sillage et pour offrir de nouvelles structures d’accompagnement. Dans cette optique, l’initiative « mon club, mon école » en amenant le foot dans les écoles vise à sensibiliser les filles et les garçons à cette discipline, à leur assurer une bonne formation et à détecter les talents. Dès que les groupes d’experts seront désignés, je serai heureux de les inviter en commission afin qu’ils puissent exposer leurs intentions et vous écouter. En plus des clubs, fédérations et ententes provinciales, j’estime que le monde politique a également le droit d’exprimer ses souhaits et ses doléances. Les experts seront choisis dans toute la Wallonie afin que toutes les sensibilités du foot soient représentées. Lorsque le rapport issu de leur collaboration sera rédigé, je vous en présenterai les conclusions.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je vous suggère d’injecter plus d’argent dans le sport et vous donnerez alors satisfaction à vos détracteurs. À propos des événements de Zurich, je trouve naïf de croire que seul un cahier des charges, aussi intéressant soit-il sur le plan environnemental par exemple, suffise pour emporter l’adhésion.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – La plus grosse surprise a été que l’Angleterre annoncée comme gagnante soit éliminée dès le premier vote. Probablement que la campagne qu’elle a menée avec certains journaux britanniques s’est retournée contre elle. Nous avons adopté un profil juste, mais nous ne pouvions l’emporter que si les grandes nations entraient en conflit, ce qui n’a pas été le cas. Impossible de faire face au poids de la Russie.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Il faut envisager l’avenir. Je trouve vos propositions sur le groupe d’experts intéressantes. Il faut oser envisager une collaboration entre les clubs, sans aller jusqu’à leur fusion, ce qui toucherait à des habitudes parfois ancestrales. La plupart des petits clubs en province ont du mal à survivre et un changement d’attitude leur serait bénéfique. Un groupe d’experts aurait la latitude d’aborder ce type de question et de briser certains tabous dans le monde du foot. Enfin, le monde du football doit être conscient qu’il a tourné une page. Auparavant, il avait tendance à jouer uniquement dans des structures privées où les politiques étaient juste des supporters, aujourd’hui les secteurs privé et public se trouvent associés dans la réflexion qui est menée. Les deux devront fonctionner ensemble.

M. Pierre Migisha
(cdH). – Étant donné l’importance du budget que notre Communauté avait prévu pour la candidature de la Belgique, nous étions en droit d’attendre une réaction de votre part suite à la décision qui a été prise. Vous nous avez fait part de votre déception et de votre surprise. Il est vrai que nous y avons cru jusqu’au dernier moment. À présent, nous devons aller de l’avant. J’ai
relevé dans votre réponse quelques éléments qui m’ont plu. Tout d’abord, l’engouement. Pas d’événement en 2018, mais il faut continuer à soutenir le mieux possible la politique du football de manière générale en fonction des moyens de la Communauté française. Vous avez parlé des joueurs qui sont, qu’on le veuille ou non, les premiers à pouvoir donner envie aux jeunes de pratiquer ce sport, si possible dans de bonnes conditions. Ensuite, vous avez souligné que seuls Charleroi et Liège disposent d’infrastructures qui soient dignes de ce nom. Je souhaiterais néanmoins attirer votre attention sur l’implication possible de l’État fédéral à ce niveau. Je me souviens du montant versé par la Loterie nationale à l’occasion de l’Euro 2000. On pourrait envisager qu’il puisse, par ce même biais, participer à la rénovation ou à la reconstruction des stades en Belgique de manière équitable selon les Régions. Enfin, j’insiste sur le travail à réaliser dans le domaine de la formation des jeunes et des formateurs. Nous pourrons ainsi participer au développement de notre football.

M. Philippe Dodrimont (MR). – Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez également abordé les infrastructures sportives des plus petits clubs. Nous avons besoin de vitrines pour un sport comme le football, mais également de travail en profondeur. Il est donc important de penser aux petites infrastructures. Vous avez dit, mais j’espère que ce ne sera jamais qu’une fiction, que nous pourrions avoir une équipe uniquement composée de francophones. C’est sûr, mais pensons au désastre que causerait une scission du championnat belge. Il serait très difficile d’en proposer un de qualité dans ces conditions. C’est valable à tous les niveaux, tant au niveau sportif qu’au niveau des infrastructures. Associer des clubs de division II et de division III, voire de promotion, pour faire un championnat d’élite au niveau de la Communauté française ne serait pas souhaitable. Je me réjouis également de l’attention que vous accordez aux infrastructures du Standard. Nous avons besoin de ce club « phare » qui joue chaque semaine devant un public de près de vingt mille personnes et qui mériterait de disposer d’équipements plus importants.

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