Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "Natation francophone en train de couler?"
Jean-Luc Crucke (MR). – En novembre 2010, sur la base d’avis remis par des professionnels du secteur, j’avais attiré votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés que rencontrait notre fédération de natation et sur la situation de nos nageurs au sein de cette dernière. Votre réponse était assez rassurante. Les ambitions semblaient réelles en vue des futurs Jeux olympiques. Les informations que nous obtenons jour après jour ne sont toutefois pas des meilleures. Les championnats francophones qui se sont déroulés le week-end dernier à La Louvière n’ont pas été d’un niveau très élevé. La seule exception fut une athlète de Mouscron, Fanny Lecluyse. Pour le reste, nos nageurs ne brillent pas par leurs performances, ils s’illustrent plutôt dans la chronique people. Un des nageurs présents lors d’un stage récemment organisé en Sierra Nevada, Pholien Systermans, a dû rentrer plus tôt en Belgique. Joris Grandjean, Pierre-Yves Romanini et lui-même avaient en effet réussi à en venir aux mains. Les jeunes qui lisent ce genre d’information peuvent se demander s’il s’agit encore de sport. Or ces trois garçons sont talentueux. Ils possèdent des dons pour le sport. Toutefois, ne les ont-ils pas gâchés ? Est-ce parce que leur encadrement, dans le sud de la France, n’est pas approprié ? Je n’en sais rien mais je m’inquiète de voir que ceux-là qu’on nous annonçait comme les futures vedettes de la natation francophone, qui devaient nous représenter aux Jeux olympiques, sont malheureusement à la traîne aujourd’hui. Les quelques mois qui nous séparent encore des JO seront-ils suffisants pour relever le niveau ? Avez-vous eu une discussion avec les responsables de la fédération francophone ? Des solutions structurelles devraient-elles être mises en place pour encadrer ces nageurs ? J’ai toujours considéré que le départ à l’étranger n’est pas critiquable en soi. Il peut être profitable en effet de partir dans d’autres pays pour y apprendre de nouvelles techniques et bénéficier des services d’autres entraîneurs.
André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Indépendamment de la passion, des choix d’un gouvernement et d’un ministre, des évolutions budgétaires, il est impossible de gagner dans toutes les disciplines et à chaque génération. Il y en aura toujours l’une ou l’autre, l’escrime par exemple, qui vous étonnera par la faiblesse de ses résultats. Nous représentons une petite Communauté, alors gardons les pieds sur terre ! Ce qui ne signifie pas qu’il faille abandonner nos ambitions mais n’espérons pas être dans le top mondial parmi les deux cents délégations nationales ! De plus, nous ne sommes qu’une partie d’une délégation nationale. N’oublions pas les disciplines où l’un de nos sportifs est numéro un mondial. Pourquoi ne venez-vous pas, monsieur Crucke, nous féliciter pour le canoë-kayak où brille Maxime Richard ? À vous entendre dans des questions récurrentes, notre Communauté ne serait pas sportive ! Cela ne correspond pas à la réalité ! Nous sommes un des pays européens qui comptent le plus d’affiliés dans les différents clubs sportifs. Pour la natation, Sarah Wegria, un des grands espoirs belges, est revenue dans la structure francophone quelques mois seulement après son exode au nord du pays. Vous qui évoquez souvent les mérites de la Flandre, voici un exemple contraire ! Des problèmes se font sentir au niveau néerlandophone. Le départ, de la ligue flamande, de l’ancien entraîneur de Brigitte Becue, M. Stephaan Obreno, en est un signe. Il n’est pas le seul transfuge. Glenn Surgeloos, sixième du deux cents mètres libres aux Championnats d’Europe et premier nageur masculin belge qualifié pour le mondial de Shanghai, vient de décider de s’affilier à la fédération francophone. Il y a quelques mois, Mathieu Fonteyn, qui a participé aux JO de Pékin, avait ouvert la voie en s’affiliant lui aussi à un club francophone, Liège natation. L’herbe n’est pas plus verte ni l’eau plus bleue du côté du Nord ! Samedi matin, lors des séries du Championnat de Belgique qui s’est tenu à Anvers, François Heersbrandt a battu le record de Belgique du cinquante mètres papillon avec un chrono de 23,66, améliorant sa précédente performance de 23,89 établie à Montpellier et qui était déjà un record de Belgique. Il a réussi le minimum pour Shanghai en cinquante et en cent mètres papillon. Il est actuellement le cinquième performeur mondial dans cette discipline et au troisième rang au niveau européen, s’il parvient à maintenir ses précédents niveaux. Comme le prouvent ses résultats – plus optimistes que votre vision, monsieur M. Crucke –, il nage comme un poisson dans l’eau ! Après un passage à Toulouse, François Heersbrandt est revenu vivre et s’entraîner cette saison à Waterloo et à Louvain-La-Neuve. Il a trouvé ses repères et une équipe pluridisciplinaire, entraîneur, préparateur physique, directeur, s’occupe de lui et le suit de manière très professionnelle. Ses performances actuelles montrent que cette voie le mène au succès. Yoris Grandjean est sur le point de quitter le Cercle des nageurs d’Antibes, fondé par le champion olympique de 100 mètres libre Alain Bernard ; il l’avait rejoint en 2007. Il pourrait prendre en septembre prochain la direction du Cercle des nageurs de Marseille qui compte plusieurs étoiles de la natation française comme Camille Lacourt, Fabien Gilot, Frédérick Bousquet ou Laure Manaudou. Des contacts ont été pris dernièrement avec les responsables du club phocéen. Yoris Grandjean passe cette semaine des tests à Marseille, nous disposerons prochainement des informations. Comme vous le constatez, nous suivons sa carrière de très près. Fanny Lecluyse, sociétaire du club de Mouscron, est depuis le début de la saison sportive employée à mi-temps par le CFWB et suit, parallèlement à ses entraînements, des études d’institutrice. Au dernier championnat de Belgique en grand bassin, elle a effectué deux performances intéressantes en 200 mètres quatre nages et en 200 mètres brasse qui lui permettront de s’aligner au prochain championnat du monde de Shangaï. Elle vient par ailleurs d’améliorer de plus de deux secondes sa meilleure performance en 200 mètres quatre nages. C’est assez exceptionnel. Cette performance la place à moins de 4/10e d’une possible qualification pour les Jeux olympiques de Londres. Neufs titres de champion de Belgique ont été attribués à des francophones au dernier Championnat de Belgique d’Anvers, ces champions ont également enregistré cinq records de Belgique et sept records francophones. Avec un tiers des engagements et des podiums, la représentation francophone reste stable et correspond au nombre de clubs et de licenciés (18 250 licenciés pour 76 clubs). La Fédération francophone de natation a pour objectif de développer la pratique de la natation sportive par le plus grand nombre possible, d’où son soutien à notre « Plan Piscine ». Ce plan prévoit de rénover progressivement 94 piscines, pour un budget de 50 millions. De nouvelles piscines sont ou vont également être inaugurées, à Mons (19 millions) ou à Braine-Le-Comte. La Fédération ambitionne également de permettre à ses meilleurs athlètes d’atteindre la compétition de haut niveau et d’y être performants, en soignant particulièrement la formation des moniteurs ; de repérer des jeunes talents lors des compétitions et des stages (team du futur) ; d’encadrer et de suivre les athlètes du collectif de haut niveau ; d’organiser des stages et de procéder à des évaluations. Les responsables de la Fédération et moimême, nous sommes conscients que des améliorations doivent encore être apportées, notamment en créant des centres d’entraînement, scolaires et sportifs, visant un niveau international, ou l’engagement d’entraîneurs professionnels. À l’heure actuelle, Fanny Lecluyse, François Heersbrandt, Yoris Grandjean, Glenn Surgeloose et Mathieu Fonteyn pourraient entrer en ligne de compte pour la préparation des J.O. Vous constaterez que le tableau est beaucoup plus nuancé que celui que vous avez dressé.
Jean-Luc Crucke (MR). – Je n’ai pas dit que tout allait mal dans le sport francophone. On peut cependant s’interroger. Aujourd’hui, quand on propose à la majorité de se donner des ambitions pour le cyclisme ou quand on demande de l’argent pour les jeunes hockeyeurs, on se fait remballer. Quand on aborde le judo ou la natation, il nous est répondu que d’autres sports « font mieux ». Pour la natation, on nous dit même que ça ne va pas mieux en Flandre. Ce qui se passe ailleurs m’est complètement égal ! Je veux seulement que ça aille bien chez nous ! Un journal a consacré une page entière à la natation. Je vous en lis les titres : « Grandjean part vers Marseille », en quittant Antibes, « J’ai récupéré une épave », « Pholien Sistermans s’est auto-exclu », « Plainte pour coup et blessures ». Après avoir lu cette page, vous pouvez peut-être vous dire, monsieur le ministre, que tout va bien mais moi, je ne le peux. En tant que parlementaires, nous avons l’obligation d’attirer votre attention sur ce qui ne va pas. Tant mieux si certains nageurs sont performants ! Le cas de Fanny Lecluyse, que je connais bien, est merveilleux. Son entourage familial la suit du matin au soir et se sacrifie pour elle. Je vous remercie de lui avoir accordé un mi-temps mais ce n’est pas suffisant, même si c’est mieux que rien. C’est un réel espoir, j’espère qu’elle ne changera pas ! Personne ne connaît l’avenir. Nous ne pouvons que vous demander d’aider une fédération à encadrer l’ensemble de ses athlètes. On pouvait nourrir de réels espoirs pour la natation mais certains jeunes ont décroché, c’est dommage. Leur talent n’a pas été exploité.