mercredi 11 avril 2007

"le cautionnement des cannettes"(n° 4014)

01 Question M. Jean-Luc Crucke au ministre du Climat et de l'Énergie sur "le cautionnement des cannettes"(n° 4014);

Chambre 08 04 2004

01.01 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, monsieur le ministre, je mène actuellement une opération de nettoyage des abords de routes dans ma commune, qui est la quatrième commune de Wallonie quant à la superficie. Il s'agit d'une opération longue. Cela représente 440 km de voiries, 11.000 ha pour
11.000 habitants. Je n'ai pas reçu beaucoup d'argent du Fonds des communes à cet effet mais c'est un autre problème!
Je m'étais fait le pari d'engager 20 demandeurs d'emploi pendant quinze jours pour que cette tâche puisse être effectuée avec une certaine célérité, visibilité mais surtout avec efficacité. Malheureusement, seuls 6
candidats se sont présentés. Pourtant, la commune compte plus de 300 chômeurs. C'est un problème d'activation qui sera réservé à Mme Milquet.
En une semaine, ces 6 personnes ont rempli plus de 370 sacs poubelle que chaque commune délivre. C'est énorme, d'autant plus qu'ils n'ont nettoyé jusqu'à présent qu'un quart de la commune! Nous leur avons posé la question de savoir ce qu'on retrouve parmi les différents déchets. Vous le savez, aucun déchet ne tombe du ciel. Le fait que ces déchets ne se retrouvent pas dans des sacs poubelle est toujours dû à la stupidité du genre humain. Il s'est avéré que ce sont les canettes que l'on retrouve le plus. Les coureurs cyclistes sont d'ailleurs un très bon exemple. Ce week-end, alors que je regardais la course cycliste "De Ronde van Vlaanderen", j'ai pu constater que lorsqu'ils ont terminé leur boisson, ils jettent l'emballage. Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas d'une canette mais d'un bidon. Néanmoins, le geste est là! Vu les conséquences importantes sur l'environnement, il s'agit bien là d'un geste délictueux. Or, il me semble que les automobilistes agissent
de la même manière: lorsqu'ils ont terminé leur canette, ils la lancent par la fenêtre.
Monsieur le ministre, je ne dois pas vous convaincre des dégâts que cela cause à l'environnement, ni du coût lié aux opérations de ramassage. C'est dramatique, d'autant plus que les canettes se vendent très facilement. On n'a même plus besoin de se rendre au magasin; des appareils automatiques vous délivrent la boisson préférée. Une fois que celle-ci est bue, on se fout du déchet.
Il faut mener une réflexion en la matière. Une des pistes évoquées peut être mise en parallèle à ce qui s'est fait dans les grandes surfaces avec les sacs en plastique: c'est celle du cautionnement!
En imposant quelques cents supplémentaires par canette, il y aurait un intérêt à rapporter les déchets plutôt que de les balancer. Certains pourront même y voir un petit complément: joindre un geste en faveur de
l'environnement à un geste pour leur portefeuille.
Je voudrais connaître l'opinion du ministre sur le sujet, savoir si cette idée est à l'étude dans ses services, s'il y a des contacts avec la distribution, grande ou moins grande – on ne trouve pas des cannettes que dans les grandes surfaces mais aussi dans les magasins de village. Pensez-vous qu'on pourrait prendre une initiative législative? Certains y pensent également en Région wallonne mais la matière est du ressort
fédéral.
Quand on parle de taxation, certains font marche arrière. Je n'aimerais pas vous voir taxer des gens mais ici, il ne s'agit pas de taxer des gens mais de sauver la planète, de sensibiliser aux conséquences du plaisir à
boire quelque chose en cannette. Quoi qu'on boive, on y trouve un certain plaisir et il y a une certaine nécessité à le faire, mais ce n'est pas une raison pour remplir notre planète de déchets.

01.03 Paul Magnette, ministre: Monsieur le président, monsieur Arens et monsieur Crucke, merci pour cette
question qui me préoccupe moi aussi. Je suis toujours navré par le spectacle désolant des cannettes
jonchant le sol tout au long de nos routes et toujours profondément surpris, du point de vue de l'analyse
anthropologique, par le potentiel d'incivilité de nos concitoyens. Comment de tels gestes peuvent-ils encore
se produire malgré des années de sensibilisation? Voilà qui nous démontre qu'il faut sans doute recourir à
des mécanismes encourageant les citoyens, quels que soient leurs réflexes naturels, à aller dans un sens
vertueux.
La question des consignes n'est cependant cependant pas simple. L'instauration d'une consigne pour cannettes est un sujet qui fait débat. Au niveau fédéral, l'impact des cannettes sur tout le cycle de vie
est lié à l'établissement de normes de produits, tout en sachant qu'en matière de recyclage, la compétence
est régionale. L'instauration d'une consigne n'engendrerait pas forcément de hausse au niveau des pourcentages de recyclage et elle devrait par ailleurs être compatible avec le système de collecte actuel
Fost Plus.
En ce qui concerne la législation européenne en vigueur, un système de cannettes consignées ne serait pas
forcément contraire à la directive Emballages de l'Union européenne à condition que le système soit organisé de façon à ne pas être discriminatoire. Or, plusieurs systèmes de consigne proposés ont déjà été rejetés par la Cour européenne de Justice en raison de leur caractère discriminatoire, notamment à cause des entraves qu'ils peuvent entraîner à la libre circulation des biens.
Les systèmes qui rendent les producteurs individuellement responsables de la collecte de cannettes qu'ils produisent sont considérés par la Cour comme discriminatoires, contrairement aux systèmes de
responsabilité collective comme le système Fost Plus.
Un système basé sur le principe actuel de Fost Plus pourrait dès lors servir de base à un système de consigne. Mais il s'agit ici d'un système exclusivement régional qui repose sur des compétences régionales.
La force d'action du pouvoir fédéral dans ce domaine est par conséquent limitée mais on peut très bien l'aborder, notamment dans un forum comme le Printemps de l'Environnement, que nous initierons la
semaine prochaine et dont le but est précisément de faire en sorte que lorsque le fédéral se pose des questions sur des sujets tels que les normes de produits, tout en voyant sa marge d'action réduite par le fait
que la suite de la chaîne d'action publique est essentiellement régionale, on puisse néanmoins en parler et non pas simplement constater le fait que le fédéral est coincé entre des règles européennes d'une part et
des compétences régionales d'autre part.
On peut donc penser qu'il est opportun d'envisager un système de consigne pour cannettes en l'insérant dans le système des règles européennes et en en assurant l'efficacité pour en limiter le caractère
potentiellement discriminatoire. Ceci suppose donc qu'on examine ce type de dispositif dans une logique de sélection collective telle que celle du système Fost Plus et qu'on puisse en débattre avec nos homologues
régionaux.
Le président: On constate que la complexité des compétences a aussi une influence sur ce dossier.
01.04 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, je remercie le ministre pour sa réponse. Je pense qu'il a raison sur deux points. Premièrement, les mécanismes habituels de motivation psychologique de sensibilisation ont échoué en la matière. La raison en est très simple: le geste qui vise à déposer – pour ne pas dire balancer – une cannette se fait à ce point de manière discrète que l'égoïsme s'y trouve
naturellement émoustillé.
Il faut donc d'autres mesures.
Deuxièmement, votre réponse a le mérite de clarifier la situation sur le plan institutionnel, même si en Belgique, on ne quitte jamais la complexité institutionnelle. Au moins, elle remet la responsabilité de la prise de décision à ceux qui doivent décider, dans ce cas-ci les Régions. J'imagine donc que ce sera d'autant plus facile pour mon collègue de la Région wallonne, M. Fourny, de sensibiliser sur ce sujet le ministre Lutgen, de sa propre famille politique. S'il ne le faisait pas, on pourrait demander à certains collègues de le relayer et l'appuyer dans cette tâche.
À partir du moment où l'Europe est d'accord pour autant qu'il n'y ait pas de discrimination, ce qui constitue la base de l'Europe, on se dit qu'on doit pouvoir trouver une solution, même s'il faut poursuivre la réflexion. Je ne veux pas qu'on puisse continuer à dire que c'est de la faute de l'Europe, du fédéral ou de la Région. Il
faut arrêter de tergiverser et dans ce sens, votre réponse a un mérite certain.

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