"la sortie du nucléaire" : quid ?
Chambre: Question (n° 4109) 08 04 2008
02.01 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur votre récente déclaration. Sur le fond, elle me satisfait, mais elle m'étonne un peu en comparaison d'autres déclarations que j'avais entendues voici quelques mois. La sortie du nucléaire est toujours fixée entre 2015 et 2025. Toutefois, il est incontestable que plusieurs experts ont précisé qu'il nous serait difficile de nous passer aussi facilement de cette source d'énergie. C'est pourquoi le gouvernement orange bleu avait programmé une prolongation de quelques années. Certains membres de votre famille politique ont néanmoins crié au loup à l'idée que ce délai puisse être reculé.
C'est en pensant à ces réactions que j'ai été rassuré par votre prise de position. Cependant, ce revirement me semble extrêmement rapide. J'allais ajouter: "il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis".
Reste que certains aspects de cette question n'ont pas encore trouvé de solution; je pense ainsi au traitement des déchets. De plus, il convient de tenir compte de certains besoins en alimentation.
Je rappelle que, dans votre entretien donné à "Humo", vous dites qu'il serait insensé de nous priver d'une alimentation provenant d'ici au profit d'une autre qui serait fournie par l'étranger. Sur le plan éthique, on les remet à égalité.
Ensuite, comme M. Nollet l'a rappelé lors du débat ayant suivi la déclaration gouvernementale, vous paraissez remettre en cause la qualité des expertises relatives à ce dossier. Vous êtes vous-même scientifique et universitaire; vous connaissez donc bien ce milieu. Pourtant, vous avez déclaré dans "Humo": "Er moeten onafhankelijke wetenschappers aan het werk worden gezet. Dus zullen we wellicht in het buitenland moeten gaan zoeken." Estimez-vous que ceux qui ont émis certaines idées à ce propos ne sont pas assez reconnus pour se le permettre? Pensez-vous que le monde universitaire belge ne dispose pas de personnes suffisamment compétentes et indépendantes, au point qu'il faudrait confier à l'extérieur de telles études? En quoi les éléments dont nous disposons sont-ils insuffisants? Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Mais je voudrais savoir pourquoi le ministre a changé d’avis.
02.04 Paul Magnette, ministre: Messieurs les députés, la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité est en vigueur en Belgique. Comme vous l’a rappelé M. Ducarme, j’ai toujours dit et continue à dire que cette loi est une bonne loi et qu’il n’y a aucune raison de la revoir. Elle prévoit la désactivation des centrales nucléaires quarante ans après leur mise en service industrielle, c'est-à-dire que les premières devraient être arrêtées en 2015 et les dernières en 2025.
Il n’y a pas de lien direct entre cette loi et le rapport que le gouvernement demandera, à mon initiative, sur le mix énergétique de la Belgique parce que nous devons réfléchir à établir un scénario à long terme sur le mix énergétique idéal pour ce pays.
Je sais que de très nombreuses études, que votre collègue Jean-Marc Nollet avait déposées sur son pupitre lors du débat d’investiture, ont déjà été commandées. C’est précisément parce que de nombreuses études ont été commandées et que leurs conclusions sont loin d’être convergentes qu’en tant que ministre, pour pouvoir tracer des pistes, j’ai besoin d’une expertise qui tranche entre ces conclusions extrêmement différentes.
Je ne porte pas de jugement sur l’impartialité des uns et des autres. J’ai longtemps été dans le milieu scientifique et je sais d’expérience que lorsqu’un centre de recherche a bénéficié de nombreux contrats de recherche de telle ou telle entreprise, ou lorsque des experts ont longuement travaillé dans telle ou telle entreprise, cela peut, à la longue, avoir un effet sur leur jugement. Mais je ne veux pas être polémique, je constate simplement que ces conclusions sont divergentes, donc qu’elles n’aident pas à la prise d’une décision politique.
C’est pourquoi, pour trancher, il faut réunir un groupe d’experts impartiaux qui établissent un scénario clair, viable et soutenable pour notre pays à long terme, et qui puisse faire l’objet d’un consensus scientifique d’abord, et d’un consensus politique ensuite. Ce sont des questions trop importantes pour être soumises à des tergiversations polémiques ou à des pseudo-confrontations idéologiques. Nous voulons tous assurer une sécurité d’approvisionnement, une énergie correctement accessible pour tous, à des prix démocratiques et dans le respect de nos obligations européennes et internationales. Nous devons, dans cette perspective, nous fixer un cadre général.
Il est vrai que l’accord du gouvernement précise que ce groupe d’experts comptera en partie des experts étrangers – ce qui pose peut-être des problèmes à certains mais pas à moi. Nous n’avons pas toute la vérité sur le sens de notre peuple dans notre peuple lui-même et il peut être très utile de recourir à des expertises internationales. Cela peut être très rafraîchissant d’avoir le point de vue d’experts étrangers, comme c’était le cas dans d’autres commissions du même type; cela peut donner une crédibilité d’impartialité scientifique au jugement qui sera porté sur le paysage énergétique souhaitable pour notre pays.
Le calendrier précise que ce groupe d'experts devra avoir remis un avis au plus tard à la fin 2009 et tant mieux si c'est plus tôt.
Par ailleurs, rien de tout cela ne doit empêcher ou ralentir des investissements aussi massifs que possibles dans les énergies renouvelables, qui sont les seules véritablement durables à long terme, vis-à-vis desquelles nous avons des obligations européennes et internationales auxquelles nous souscrivons (une consommation finale de 13% que j'ai toujours présentée comme étant un minimum-minimorum).
Ne pas engager maintenant des investissements massifs en ce sens risquerait de nous faire prendre du retard et de nous mettre dans une situation difficile, une situation à nouveau de dépendance, voire même juridiquement compliquée. Ce serait de surcroît louper une occasion extraordinaire de prendre le train de cette troisième révolution industrielle et louper l'opportunité de grande progression technologique, de grand potentiel de création d'activités économiques et d'emplois. C'est pourquoi les efforts engagés doivent être prolongés et accélérés sans attendre un jour de plus que le rapport de ce groupe d'experts internationaux sur les perspectives souhaitables à plus long terme pour notre pays.
02.05 Jean-Luc Crucke (MR): Madame la présidente, M. le ministre a raison lorsqu'il dit que c'est un sujet qui ne doit pas susciter de polémique et sur lequel, dans la mesure du possible, un consensus doi pouvoir être trouvé. Cela dit, je le suis difficilement lorsqu'il dit qu'il n'y a pas de lien entre l'interruption progressive du nucléaire et le mix énergétique. Mais si, il y a un!
02.06 Paul Magnette, ministre: Il n'y a pas que cela!
02.07 Jean-Luc Crucke (MR):
Dans ce cas, nous sommes d'accord! Il y a un lien évidemment, car c'est en fonction de cela que nous pourrons déterminer le pourcentage. Tout comme vous, nous souhaitons que l'échéance fixée à 2015-2025 soit respectée. Sur ce premier point, je partage votre analyse.
Pour ce qui concerne toutes ces enquêtes, je ne suis pas certain, mais je vous avoue ne pas avoir pris connaissance de l'entièreté des rapports, qu'il y ait autant de contradictions parmi les documents déposés.
Vous ne l'avez pas dit, mais le milieu scientifique peut sans doute encore y travailler. Faire appel à une aide extérieure me semble également opportun!
J'attire simplement votre attention sur un point en espérant qu'il ne se produise pas. Il me semble préférable de le dire avant qu'après: il ne faudrait pas qu'une étude supplémentaire survienne pour entamer une polémique complémentaire, car il s'agirait de temps perdu pour un sujet où les décisions importent, dès maintenant.
Nous aurons donc la réponse à la question dès la lecture du cahier des charges; je le pense, monsieur le ministre.
Dans mes questions, je désirais aussi savoir quand nous pourrions disposer de ce cahier des charges. Je suis conscient que du temps est nécessaire pour le rédiger, mais je souhaite que le délai soit le plus bref possible, tout en exigeant une attention particulière. Nous pourrons alors obtenir des réponses à toutes nos questions.
Pour terminer, au nom de tous ceux qui désirent investir en matière d'énergies renouvelables, je vous remercie d'avoir confirmé votre volonté et celle du gouvernement de faire une priorité de cet investissement en énergies renouvelables. C'est de bon aloi.
Libellés : energie, environnement, nucléaire
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